Ellyn écarquilla des yeux et le regarda avec un air vide. Son esprit entendit la question, mais elle demanda, hors sujet, tout bêtement :
- Tu as appris l’arc… Tout seul!?
Ellyn avait passé des mois, des années à s’entraîner sous un capitaine pour connaître les postures, les techniques, les stratégies en lien avec l’épée et le bouclier… Encore aujourd’hui, elle doit s’entraîner avec un individu en chair et en os pour ne pas devenir rouillée… Et Stéphane, lui, avait réussi à maîtriser une arme à lui seul?!
Ellyn secoua sa tête, admirative.
- Eh bien, il faut croire que tu apprends beaucoup plus vite que moi!
Et c’est là que son esprit prit réellement conscience de la question de Stéphane, posée il y a une bonne quinzaine de secondes. Elle répondit immédiatement :
- Pour l’épée, l’apprentissage – du moins, mon apprentissage – s’est fait en quatre étapes. En premier, maîtriser les postures.
Elle fit un pas en arrière et dégaina son épée en démonstration : la lame en acier était aussi longue que son bras – c'est-à-dire une épée au-dessus de 4 pieds, large de deux pouces et demi… C’était une épée de belle qualité. Le pommeau n’était pas garni de pierres précieuses comme les épées ridiculement décoratives des nobles, mais c’était tout de même une bien belle épée! N’importe qui avec des connaissances en armes le reconnaîtrait. Ellyn prenait bien soin de ses armes…
Ellyn se mit en posture pour une attaque : jambes écartées, pied gauche légèrement en avant, torse droit, jambes légèrement fléchies, bras gauche parfaitement tendu vers l’avant pour repousser l’ennemi avec son bouclier imaginaire. Son autre bras était relevé pour tenir son épée à l'horizontale un peu à droite au dessus de sa tête et de son bouclier imaginaire. La lame était tournée de telle manière à ce que la largeur puisse bloquer toute attaque de l’adversaire. L’épée était pointée dans la direction de Stéphane, quoique légèrement incliné vers l’intérieur … Ellyn était ferme sur ses pieds, prête à avancer et faire reculer son adversaire.
- Pouvoir manier ton épée et ton bouclier ne vaut rien si l’adversaire peut facilement te repousser avec un seul coup. Tu dois pouvoir bloquer fermement toute attaque-
Elle secoua un peu son bras gauche pour désigner le bras qui était supposé porter le bouclier.
- et être prêt à soutenir tes propres assauts.
Elle fit un pas en avant pour faire semblant de repousser Stéphane avec son bouclier imaginaire. Elle fit ensuite un pas en arrière pour remettre de la distance entre elle et Stéphane, toujours tendue, puis relâcha sa posture et gaina son épée, continuant son explication :
- Pour cela, tu t’entraînes, tout simplement. Tu travailles les jambes, les abdominaux, les bras; tu renforces to corps. Tu entraînes surtout tes bras : tu apprends à soulever des poids et à les tenir longtemps. Si tu ne peux pas garder ton bouclier – qui devient lourd à la longue! – levé en combat…
Elle fit un geste insouciant de la main pour déclarer l’évidence :
- …tu es mort. La deuxième étape est de trouver des armes. La priorité est une épée aux dimensions et au poids qui te conviennent le plus. Tu dois pouvoir manier l’épée; il est donc important que tu en choisisses une bonne pour toi. Après ton entraînement, tu as droit à plusieurs essais avec diverses épées aux dimensions, métal et poids différents, et tu commences, peu à peu, à te former une idée de ce qu’est, pour toi, l’épée idéale. Après des semaines ou des mois d’essais et de pratique, tu passes ta commande au forgeron. Après, tu te trouves un bouclier : c’est la même démarche, mais tu dois choisir ton épée en premier; il est plus facile de porter en tout temps son épée que son bouclier. L’épée est donc l’arme la plus importante. La troisième étape est de maîtriser les mouvements de ton épée et de ton bouclier, en particulier comment bloquer et comment attaquer. J’ai appris comment viser, comment évaluer la force nécessaire pour porter un coup, comment soutenir les attaques de différentes forces, comment repousser les adversaires avec mon bouclier… C’est dans cette phase de l’entraînement que l’on commence réellement à s’adapter à ses armes; tu t’entraînes et apprends les techniques selon l’épée et le bouclier que tu as choisis. La dernière étape est de maîtriser les stratégies : reconnaître les forces et les faiblesses de ton adversaire, savoir comment les neutraliser ou les exploiter, respectivement, et être conscient de tes propres forces et faiblesses pour ne pas te faire avoir avec une stratégie qui ne conviendrait pas pour toi.
Après toute cette explication, accompagnée de gestes et de petits exemples d’attaques ou de retrait, elle soupira, légèrement découragée :
- Le tout m’avait pris deux ans, sous la surveillance vigilante d’un capitaine d’armée. Et tu as appris comment manier l’arc par toi-même? J’avoue en être un peu jalouse! Surtout au sujet de l’arc.
Elle fronça des sourcils. L’entraînement avait pris beaucoup plus de deux ans, si on incluait ses tentatives à l’arc et autres armes.
- Je n’ai jamais compris comment manier l’arc…